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Le salarié qui contrevient à sa clause de confidentialité et de secret professionnel, en publiant sur Linkedin des documents internes de l’entreprise, prend le risque d’un licenciement disciplinaire. Peu importe que l’entreprise n’ait pas produit au procès de pièces permettant d'appréhender les conséquences de cette divulgation pour l'entreprise.

La liberté d’expression du salarié n’est pas sans limite

Tout salarié bénéficie de sa liberté d’expression dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, sauf à en abuser (cass. soc. 14 décembre 1999, n° 97-41995, BC V n° 488).

Pour autant, cette liberté n’est pas sans limite puisque, dans le cadre de son obligation de loyauté (c. trav. art. L. 1222-1), le salarié est soumis à une obligation de discrétion, indépendamment de toute clause inscrite dans le contrat de travail, s’agissant des informations dont il a connaissance du fait de ses fonctions et dont la divulgation à des tiers serait préjudiciable à l’entreprise.

Cela étant, pour les salariés dont les fonctions impliquent la connaissance d’informations stratégiques, il est courant que le contrat de travail contienne une clause de confidentialité. Une telle clause est licite si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (c. trav. art. L. 1121-1).

Publication par un salarié d’informations confidentielles sur Linkedin

Un salarié employé en tant que responsable dans le secteur recherche et développement avait fait l’objet d’un licenciement disciplinaire, après avoir publié sur son compte Linkedin deux images de coupes et géométries d’un moteur d’avion, issues de documents internes et classées « confidentiel société ». Ces images faisaient partie d’une base de données provenant de clients avec qui l’entreprise était liée par des accords de confidentialité.

L’employeur estimait qu’en publiant ces images, le salarié avait violé la clause de confidentialité et de secret professionnel présente dans son contrat de travail. Il contrevenait aussi au règlement intérieur de l'établissement prévoyant notamment « qu'afin de se conformer aux impératifs de la Défense Nationale, de la protection du secret industriel et des intérêts vitaux de l'entreprise », le personnel est notamment tenu :

-« de garder une discrétion absolue sur toutes les informations, les procédés de fabrication » dont il pourrait avoir connaissance du fait de son appartenance au personnel de la société ;

-« de ne pas conserver par devers lui et a fortiori de ne communiquer à personne sans autorisation des documents ou matériels, copies de documents, parties de documents ou matériels, qu'il peut détenir du fait de son appartenance au personnel de la Société ».

L’employeur soulignait l'impact potentiel pour l’entreprise de cette publication sur un réseau social accessible à tous, compte tenu du caractère confidentiel des images publiées et du fait que ces informations étaient susceptibles d'être utilisées par des concurrents de l’entreprise.

Le licenciement pour faute du salarié validé par les juges

Un salarié qui ne respecte pas la clause de confidentialité pendant son contrat de travail peut être, selon les circonstances, licencié pour ce motif (cass. soc. 3 mars 2009, n° 07-43222 D).

En l’espèce, le salarié arguait que les images qu’il avait publiées sur son compte Linkedin étaient « librement accessibles et non susceptibles d'être exploitées compte tenu de leur caractère succinct, de l'absence de paramètres ou d'échelle indiqués » et que cette publication « n'a pu occasionner aucun préjudice à l'entreprise ».

Ce n’est pas l’avis de la cour d’appel de Paris qui relève que « les images publiées provenaient de documents internes qui n'étaient pas destinés à une publication sur un réseau social, et dont [le salarié] n'a pu avoir connaissance que dans l'exercice de ses fonctions ». Elle souligne aussi qu’il avait utilisé ces images « sans vérifier s'il pouvait le faire, au regard des règles de confidentialité internes auxquelles il était soumis. »

La cour écarte la question du degré de classification de ces documents et le fait que « les images du moteur étaient l'objet d'un poster affiché dans les locaux professionnels ».

La cour ne tient pas non plus compte du fait que l’employeur ne produise aucune pièce permettant d'appréhender les conséquences de la divulgation des images du moteur pour l'entreprise.

Pour les juges, le salarié a commis un « manquement avéré à son obligation de confidentialité et de respect du secret professionnel rappelée par la clause de son contrat de travail ». Ils valident son licenciement pour faute.

CA Paris du 23 février 2022, n° RG 19/07192 ; https://revuefiduciaire.grouperf.com/plussurlenet/complements/

 

Source: https://rfsocial.grouperf.com/actu/



Date: 11/04/2022

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